Alors même que le public culturel est encore largement féminin, la création artistique, la direction de ses lieux de production et de diffusion ainsi que ses instances de légitimation (concours, prix, rétrospectives) restent majoritairement masculines en France.
Les femmes sont aujourd’hui plus nombreuses que les hommes à avoir des pratiques artistiques amateur : la raison en serait qu’elles disposeraient de plus de temps que les hommes. Cependant, on explique aussi leur absence dans les circuits institutionnels des artistes confirmés pour la raison qu’elles disposeraient de moins de temps que les hommes, irrémédiablement attelées qu’elles seraient à l’entretien de leur famille... On évite ainsi toute mise en concurrence entre les hommes et les femmes.
Les hautes sphères de la Culture pour les hommes, les champs démocratiques de l’éducation populaire pour les femmes !
En art, la compétence s’appelle talent, génie ou "qualité" pour paraphraser Thierry Frémaux, directeur du Festival de Cannes, et cette compétence est bien sûr éminemment masculine. Cet inconscient transparaît dans une quasi invisibilité des femmes créatrices, et au contraire dans la surexposition d’un corps féminin archi-sexué au travers des actrices, des modèles, etc. La présupposition est celle d’un spectateur, lecteur, auditeur de sexe masculin. Nous vivons dans un monde fait par des hommes pour des hommes et racontés par des hommes.
Le théorème de l’androcentrisme est imparable, d’autant qu’il est soutenu par la grammaire : masculin = neutre. Pour le monde de l’Art, ce théorème se double de la Fable de l’artiste solitaire, génie rayonnant et tout puissant, fable à laquelle tout le monde fait semblant de croire, femmes et hommes de concert…
Dans cette conception qui remonte à Aristote, l’homme est le seul procréateur en ce qu’il donne forme au fœtus, il l’informe, communiquant son principe vital à la matière a-morphe abritée par la femme, conçue comme réceptacle passif. Aujourd’hui encore, la conceptualisation de l’artiste en homme, du modèle en femme subsiste de manière inconsciente.
Cependant, dans les vernissages comme dans les comités de sélection des prix littéraires ou cinématographiques, il règne une atmosphère de misogynie crasse, dans laquelle se vautrent nos grands hommes dans un entre soi rigolard bien lointain de ce que l’on pourrait attendre de gens de culture.
Blagues potaches sur les femmes qui auraient la prétention de se dire "artistes", ici on est bien loin du déni : la misogynie se dit, comme jeu d’exclusion toujours réussi et renouvelé vis-à-vis des femmes.
L’idée d’un accès aux rétributions symboliques est niée d’emblée. Aussi, nous parlerons moins d’une ignorance que d’une domination exercée avec un niveau de conscience aléatoire et, en tout cas, l’intime conscience de son bon droit…
- Influence directe sur l’accès des moyens de production (allocation des ressources) ;
- Influence sur les distinctions du type prix et fonctions de direction (reconnaissance) ;
- Influence sur la place et image de la femme dans les créations, façonnage des représentations collectives, à l’instar des média et de la publicité (représentations).
Au total, ce système est clos sur lui-même.