Activisme vidéo, mode d’emploi. Impossible de ne pas rapprocher ces deux manières d’intervenir sur la scène médiatique, qui utilisent l’humour et la diffusion virale sur les plate-formes vidéo en ligne : à ma gauche, un collectif nouvellement formé en France, la Barbe, qui depuis le 8 mars a lancé « une épidémie de rébellion contre l’hégémonie masculine » et s’est distingué au Sénat le 15 mai, à ma droite, « The Flying Penis », un objet volant non revendiqué qui a perturbé avec humour le 17 mai une intervention de Gary Kasparov, ex-champion d’échecs et adversaire déclaré du pouvoir de Poutine.
La Barbe au Sénat, c’était jeudi 15 mai. Au premier rang d’une conférence présidée par Edouard Balladur, « Le Parlement, miroir de la société française », un gang des postiches. Une vingtaine de femmes attend gentiment pour intervenir et pousse alors Gérard Longuet à s’enferrer dans des propos sexistes d’un autre âge :
La méthode (« être une femme, porter une barbe ostensiblement parmi les hommes de pouvoir »), sorte de canular médiatico-artistique, emprunte aux techniques hacktivistes développées par la génération des Yes Men. A l’issue du « happening », les femmes à barbe diffusent un tract dissonant : « L’Assemblée Nationale compte déjà 18% de femmes en 2008, les menaces sont réelles de voir les lieux de pouvoir contaminés par une féminisation rampante de la société. Les défis aux institutions politiques françaises sont nombreux, et nous sommes rassérénées de voir que nos hommes politiques savent créer les conditions d’une réflexion sur notre Histoire qui ne s’embarrasse pas de froufrou. Les rênes d’une société bien gouvernée doivent être tenues dans la main d’hommes, sûrs et entiers ; eux seuls sont à même de porter et transmettre les valeurs qui nous sont chères – Justice, Egalité, Universalisme. » Pour mémoire, la France compte 9% de femmes maires de villes de plus de 35 000 habitants, 16,9% de femmes au Sénat et 18,2% à l’Asssemblée Nationale, ce qui place la France en 62e position dans le monde pour la représentation des femmes au Parlement.
En Russie, la cause défendue par le Flying Penis nous est encore inconnue (peut-être l’œuvre de jeunes activistes pro-Kremlin, selon le « Moscow Times »), simple canular ou happening politique, toujours est-il que les mêmes méthodes ont perturbé le 17 mai le bon déroulement d’un meeting où s’exprimait Gary Kasparov, principal porte-parole des anti-Poutine. Lui, à la différence de Gérard Longuet, a pris avec humour l’intervention (la version avec sous-titres à voir ici stipule même qu’il aurait largement commenté les vertus d’un tel vol plané d’appendices masculins… un doute subsiste toutefois sur l’authenticité des sous-titres…).