Aux seuls grands hommes la patrie reconnaissante
Le Panthéon, auguste tombeau des vertus nationales, va recevoir en son sein de nouvelles gloires immortelles. Nous nous réjouissons à l’idée de voir entrer d’illustres résistants, penseurs, hommes politiques, écrivains dans ce noble mausolée, qui compte déjà 71 grands hommes et deux inséparables épouses.
Nous nous inquiétons cependant. Des bruits, encore légers, mais persistants, font état de noms féminins. Des personnes du sexe figureraient comme candidates (sic !) à la panthéonisation, et ce en vertu de leurs mérites propres. Le président de la République lui-même ne serait pas insensible à ces sirènes hystériques.
Monsieur le Président de la République, François, de grâce, reprenez-vous ! Cette belle unanimité virile de grands esprits brisée par l’intrusion d’intrigantes ? Ces grands hommes sont unis depuis le berceau jusqu’à la tombe, dans un bel entre-soi masculin, pour guider la patrie reconnaissante. Leur repos éternel bien mérité serait perturbé par l’irruption de pénibles bavardes ? Horreur et damnation !
Soyons sérieux, Monsieur le Président, quelle femme pourriez-vous bien panthéoniser ? Une générale, une maréchale, une cardinale, une penseuse, une écrivaine ? Que de noms ridicules ! C’est une évidence grammaticale, le génie est de genre masculin, l’imposture est féminine. Quelle obscure Geneviève de Gaulle, quelle sombre inconnue Lucie Aubrac, serait digne de figurer aux côtés des gloires immortelles que sont le banquier Perregaux, le doge Durazzo ou encore l’illustre Petiet ?
Si l’inspiration manque, nous nous devons de suggérer quelques noms, pour éviter de regrettables erreurs. Ainsi pourraient entrer ici le philosophe Simon de Beauvoir, le révolutionnaire Olympio de Gouges, le communard déporté Louis Michel, le mulâtre Solitude ou l’ethnologue et résistant Germain Tillion.
A ces grands hommes, et aux hommes seuls, la patrie reconnaissante !