Créé 19-03-2013 17:15
L’Opéra de Paris est-il macho ?
CULTURE - Dimanche après-midi, lors de la présentation de la saison 2013-2014 de l’Opéra de Paris, des féministes ont fait irruption à la tribune pour protester contre le manque de représentativité des femmes dans la programmation. A Bastille par exemple, sur les 19 pièces programmées, il y a 19 compositeurs, 19 metteurs en scène et 19 librettistes. Alors, macho l’Opéra de Paris ?
Quand ils ont vu onze jeunes femmes vêtues de barbes postiches s’avancer sur la scène, les spectateurs de l’opéra Bastille, venus assister à la présentation de la nouvelle saison, ont d’abord cru à une farce. Après tout, ils étaient dans une salle de spectacle. Mais quand l’une d’elle s’est emparée du micro, docilement tendu par Christophe Ghristi, le directeur de la dramaturgie, ils ont fini par comprendre. Nulle question ici de dramaturgie, mais plutôt d’une action militante du collectif féministe La Barbe.
"La Barbe applaudit de tout coeur la saison exemplaire à venir, annonce l’une d’elle au micro. Pour ne prendre que les opéras, sur 19 oeuvres programmées, 19 compositeurs, 19 virils librettistes, 19 metteurs en scène et hélas, seulement 18 chefs d’orchestres hommes (...) Vous savez faire place nette et ne laisser que le mâle talent s’exprimer et s’épanouir lorsqu’il s’agit de diriger. A la baguette comme a la tête de votre noble établissement." Le discours, entre applaudissements et sifflets, devient rapidement inaudible. Les militantes sont ensuite évacuées sans heurts par le service de sécurité.
La parité dans l’orchestre de l’Opéra
"Oui, l’opéra est un genre macho. Les femmes y tiennent souvent un rôle tragique, reconnaît Christophe Tardieu, le directeur adjoint de l’Opéra de Paris. Et l’immense majorité des compositeurs d’opéra sont des hommes, encore aujourd’hui". Pour autant, il refuse de se voir taxer de machiste. "Nous avons deux femmes programmées au printemps. Et la partié est respectée dans notre orchestre". Les concours de recrutement pour les musiciens ont d’ailleurs lieu derrière un paravent.
Brigitte Lefevre, directrice de la danse, était aussi sur scène lors de l’intervention. Elle reconnaît volontiers que la Barbe "a soulevé une question intéressante. Il y a encore trop peu d’institutions culturelles dirigées par des femmes". Elle-même sera remplacée dans dix jours par Benjamin Millepied à la tête de l’institution. Pour autant, pour Brigitte Lefevre, "il n’y a pas plus de machisme à l’Opéra. C’est juste le reflet de l’état de la société actuelle".
Importance de la formation
Pour Claire Gibault, une des rares chefs d’orchestre féminines, au contraire, les instituions doivent montrer l’exemple. "Ça ne vient même pas à l’idée des grandes institutions culturelles de se demander si il y a des femmes de talent. Bien souvent, c’est parce que tous les directeurs sont des hommes !", déplore-elle. Claire Gibault a joué à Milan, Washington ou Berlin, "mais souvent, pour accéder au plus haut poste, les femmes doivent créer leur propre structure". Elle a elle-même fondé son propre orchestre, le Paris Mozart Ochestra, dans lequel elle a fait signer une charte qui introduit la parité dans les postes de solistes.
Tous les professionnels insistent sur l’importance de la formation. Claire Gibault sort d’ailleurs d’un jury de recrutement pour une place de directeur d’orchestre au conservatoire de Paris (CNSM). Sur 18 candidats auditionnés, il y avait une seule femme.
Cerise Sudry