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INTERVIEW - FESTIVAL DE CANNES
Le cinéma, un milieu professionnel machiste ?
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Sur les 19 films sélectionnés en compétition officielle au 66e Festival de Cannes, un seul a été réalisé par une femme : « Un Château en Italie » signé de Valéria Bruni-Tesdeschi. Anne-Marie Viossat, militante féministe et membre du groupe La Barbe, revient sur la polémique de la prédominance masculine qui frappe le plus prestigieux festival de cinéma au monde.
Le groupe d’action féministe La Barbe sur la croisette en 2012 - Photo DR La Barbe/ Facebook
JOL Press : Pour Gilles Jacob, ce n’est pas de la « faute du festival de Cannes », s’il n’y a qu’une seule femme en compétition officielle. Qu’en pensez-vous ?
Anne-Marie Viossat : C’est un propos que l’on n’accepte pas. Nous refusons la personnalisation du Festival de Cannes. Derrière ce festival, il y a des hommes qui constituent un jury, il y a une sélection. En 2012, environ 1200 films ont été visionnés mais on ignore combien de films réalisés par des femmes ont été vus. Un seul a été retenu cette année, cela met en lumière un vrai problème économique, machiste et patriarcal au sein de cette manifestation.
JOL Press : Le comité de sélection doit-il être plus transparent ?
Anne-Marie Viossat : Je pense qu’il serait plus intéressant de savoir combien de films réalisés par des femmes ont été présentés et combien ont été retenus. Il faut également en savoir davantage sur tout le fonctionnement qui entoure la création artistique féminine. Il y a un grand manque de financement pour les femmes dans le cinéma. Des préjugés tenaces sur les métiers dans le cinéma perdurent : la femme est une muse, une inspiratrice...Mais la femme peut être et doit être réalisatrice. Au Festival de Cannes, les hommes forment des réseaux dont les femmes sont exclues. Il faut donc que le comité de sélection soit moins opaque, mais aussi que cela fonctionne autrement.
JOL Press : Peut-on dire que le cinéma est un milieu professionnel machiste ?
Anne-Marie Viossat : Oui, la profession est machiste depuis le début. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. L’essentiel du pourcentage des films proposés par des réalisatrices oscille entre 0 et 5% depuis le début du Festival. Il y a cependant quelques exceptions : l’année 2011a par exemple été une grande année pour le cinéma féminin, composé de 20% de réalisatrices dont Valérie Donzelli et Maïwenn. En 1993, la seule palme d’or féminine de l’histoire du Festival a été decernée à Jane Campion pour La Leçon de Piano. En dehors de ces exceptions, les chiffres sont désespérants. Comme toute forme artistique, le cinéma est une expression de notre société : une société patriarcale et machiste.
JOL Press : Le problème de la parité au Festival de Cannes est-il lié à l’absence de femmes dans les écoles de cinéma ?
Anne-Marie Viossat : Non, les femmes sont bien représentées dans les écoles de cinéma en France. A la Fémis par exemple, il existe un système de parité. Le problème c’est que lorsqu’elles sortent de ces écoles, elles se confrontent à un problème économique : il n’y a aucun investissement pour le cinéma des femmes.
JOL Press : Qu’attendez-vous des responsables politiques ?
Anne-Marie Viossat : Les responsables politiques doivent s’interroger ouvertement et publiquement sur le fait qu’il y ait seulement une femme sur 19 réalisateurs. Les politiques ne peuvent pas prendre la place des artistes mais doivent dénoncer cette discrimination sexiste, pas seulement au Festival de Cannes, mais aussi dans toutes les instances artistiques (Opéra de Paris, sélection de la salle Pleyel..).
JOL Press : Le collectif La Barbe a appelé le Festival de Cannes à cesser de se défendre par des propos sexistes. A quoi faites-vous allusion ?
Anne-Marie Viossat : Aux propos de Thierry Frémeaux, délégué général du Festival et responsable de la sélection qui a déclaré que : « le film de Valeria Bruni-Tedeschi n’est pas en compétition parce qu’elle est une femme mais parce que nous l’avons aimé ». Nous voulons expliqué à cet homme que ce n’est pas parce que l’on est une femme que l’on fait des films de sous-qualité. Ce n’est pas non plus parce qu’on est une femme que l’on veut être mieux représentée. Nous voulons seulement ne pas avoir les pattes coupées au démarrage.
JOL Press : Le groupe d’action La Barbe sera-t-il présent sur la Croisette cette année ?
Anne-Marie Viossat : Tout ce que je peux vous dire pour l’instant, c’est que La Barbe est très vigilant autour de cette nouvelle sélection. Il n’est pas question de se coucher et de dire que l’on a gagné juste parce qu’un film d’une réalisatrice en compétition. Comptez sur nous pour être présents, nous avons des projets !
Propos recueillis par Louise Michel D.
Mots-clés
Festival de Cannes
Collectif La Barbe
Féminisme
Anne-Marie Viossat
Cinéma
Machisme
Parité
Gilles Jacob
Thierry Frémeaux