La CinémaMec française surfe sur sa vieille vague
Pour clore son mandat de directeur de la cinémathèque française, lors des vœux du CNC à tout le gratin de la profession(1), Serge Toubiana a tiré sa révérence avec un discours proche de la perfection.
Comme il le souligne, par ses rétrospectives et ses hommages, la cinémathèque a "dessiné une étonnante cartographie du cinéma mondial, vivante et excitante", et surtout quasi-exclusivement masculine !
Serge Toubiana, s’approprie la méthode de La Barbe et égrène les noms illustres. Les "grands cinéastes" célébrés par son institution : Francis, Martin, Steven, Michael, William, John, Bernardo, Nanni, Frederick, Jean-Pierre et Luc, Tsai, Amos, Joel et Ethan, Raymond, Alain, Kiyoshi, Tim, David, Hong, John, Spike, Michael, André, Pierre, Benoit, Alexander, Jacques, Andrzej, Alain, Pedro. Un 100% masculin.
Chez les producteurs chéris, il cite 6 hommes, pas de femme. Chez les compositeurs de musique de film, il mentionne 4 hommes, pas de femme. Dans la catégorie des directeurs de photographie, il en désigne 8 – une certaine Caroline s’est glissée dans la liste, on comprend mal pourquoi, une erreur sans doute. A propos des auteurs de cinéma, il énumère 23 hommes, zéro femme.
Quand il en arrive aux "actrices et acteurs", soudain Danielle, Catherine, Shirley, Isabelle, Juliette, Jeanne, Bulle, Delphine, Juliet, Ingrid et Bette font irruption dans l’inventaire. Les femmes sont toujours infiniment moins nombreuses au cinéma que dans la réalité, surtout dans les rôles importants (qui agissent et qui parlent). Et l’on comprend pourquoi. Mais elles sont très décoratives et l’on aime à les regarder – enfin, les belles. Et ça Serge tenait à le souligner. On lui pardonne ce faux pas.
Enfin, Serge cite les expositions organisées par la cinémathèque pour célébrer les stars du cinéma : Tim, Stanley, Martin, Jacques, Jacques, Maurice, Georges, Les Enfants du Paradis, Pier Paolo, Henri, François, Michelangelo, L’Expressionnisme, "Les Lanternes Magiques", "Brunes Blondes". Là encore légère incartade. Mais, il est difficile de ne pas célébrer l’esthétisme de ces brunes et ces blondes (les lanternes magiques quant à elles sont un dispositif pré-cinématographique).
Bravo, hourra. La Barbe flotte fièrement au vent et acclame Serge Toubiana pour sa vision d’un art, et au-delà de toute une société. La relève sera-t-elle à la hauteur ? La Barbe compte sur Frédéric Bonnaud pour ne pas fléchir la ligne et continuer à se tenir hardi surfant sur la vague perpétuelle entretenue par la cinémathèque française.
Sa première interview officielle en tant que directeur dans Le Monde(2) est de bon augure : il cite 21 personnalités du monde du cinéma... 21 hommes.
Notes :
(1) Discours prononcé le 25 janvier 2016 à la cinemathèque française.
(2) "J’ai des pulsions de transgression", Le Monde, le 19 janvier 2016.