Par Laure Daussy
Aux Inrockuptibles, le débat fait rage sur l’absence de réalisatrices en sélection officielle au festival de Cannes. Après la parution d’une tribune dans Le Monde initiée par le collectif La Barbe, qui dénonçait l’absence de femmes en sélection officielle, le rédacteur en chef des Inrockuptibles avait publié un billet de blog critiquant les féministes. Sévère réponse aujourd’hui de consoeurs de sa rédaction, toujours sur le site du magazine.
"A Cannes, les femmes montrent leurs bobines, les hommes, leurs films", dénonçait la semaine dernière la tribune initiée par La Barbe, et signée par plusieurs réalisatrices, dont Virginie Despentes et Coline Serreau. Avec l’ironie qui caractérise le collectif, la Barbe félicitait le président du festival Gilles Jacob : "Les vingt-deux films de la sélection officielle ont été réalisés, heureux hasard, par vingt-deux hommes. Le Festival couronnera donc pour la 63e fois l’un d’entre eux, défendant ainsi sans faillir les valeurs viriles qui font la noblesse du septième art." La pétition du collectif recueille aujourd’hui 1800 signatures.
Kaganski, avait vivement réagi sur son blog, titrant "Le féminisme est (parfois) l’avenir de la bêtise". Pour lui, pas de scandale, et pas de mystère : "En matière de création, la parité est une stupidité hors sujet. (...) S’il y a peu de cinéastes femmes en compétition ou dans la liste des palmes d’or (attribuées rappelons-le par des jurys paritaires), c’est peut-être parce qu’il y a moins de grandes cinéastes que de grands cinéastes ?" Et, soulignait-il sans rire, les femmes apparaissent... sur les affiches du festival, "forme d’hommage à leur rayonnement et à leur féminité".
Aujourd’hui, trois journalistes et critiques de la rédaction des Inrocks, Nelly Kaprélian, Anne Laffeter et Géraldine Sarratia, lui répondent. Et battent en brèche l’argument selon lequel il y aurait moins de femmes talentueuses : le problème réside dans les mécanismes qui empêchent les femmes d’accéder à la création, rappellent-elles. "Veux-tu dire par là que les femmes sont par « nature » moins douées pour la réalisation que les hommes ? Un peu stupide, non ? (...) Il serait plus intéressant de se demander pourquoi il y a si peu de films réalisés par des femmes. Pourquoi les femmes ne représentent qu’un si faible pourcentage de cinéastes. (...) Que tu le veuilles ou non, la répartition des rôles, sociale et genrée continue de faire son effet."
A Kaganski qui s’inquiétait aussi de l’effet "domino" de la parité - "Sélectionnons autant de cinéastes juifs et arabes à la prochaine Mostra, autant de Belges wallons et flamands à la prochaine Berlinale, de blancs et de noirs à Locarno" dit-il , ses consoeurs rétorquent : "Les femmes représentent la moitié de l’humanité, la moitié des juifs, des arabes, des homosexuels, des belges, des blancs, des noirs, des martiens."
Dans ce débat, on peut aussi rappeler les propos de l’actrice Bérénice Béjo, la "maîtresse de cérémonie" du festival. Le 16 juin sur France Inter, elle avait souligné que l’an dernier, Maïwenn et Valérie Donzelli avait été sélectionnées, et récompensées, à Cannes.
Mais concernant son rôle, elle a sans nul doute apporté sa pierre à l’édifice du féminisme :
"Je pense qu’il y a des choses que les femmes font mieux, peut-être, que les hommes, il y a beaucoup plus d’infirmières que d’infirmiers. Voilà, le côté maternel, la douceur d’une maman. Et donc maîtresse de cérémonie, peut-être qu’il y a le côté comme ça conte de fée, le festival, la porte s’ouvre et on a une petite princesse qui sort...", a-t-elle déclaré. Les membres du groupe La Barbe, de leur côté, ont continué de en féliciter les membres du jury, en se rendant sur les marches de Cannes.
Image d’une montée des marches un peu inhabituelle.
Nous avons accueilli des membres de La Barbe deux fois sur notre plateau : en 2011 et en 2010. Retrouvez-les !