Prix Goncourt 2015 - Place Gaillon, restaurant Drouant, 3/11/2015

Cinq activistes du collectif féministe La Barbe sont intervenues avant la remise du Prix Goncourt, qui depuis son origine a distingué 112 lauréats dont 101 mâles écrivains.
Elles sont venues féliciter avec leur ironie habituelle l’Académie Goncourt qui « tout au long du XXe siècle a perpétué les valeurs du XIXe siècle envers et contre tout ».
Elles ont chaleureusement remercié cette institution, grâce à qui tant d’ambitions trop peu viriles, de Colette à Sarraute, de Némirovsky à Sagan, ont été oubliées du palmarès au fil des décennies.
« Colette était trop chaude, et Sarraute, trop froide. » Les activistes ont exhorté tout aussi ironiquement les éditeurs et l’Académie à continuer à refuser les signatures non masculines et « leurs thèmes ! impensables, microscopiques, cette obscénité de l’intime, ces mièvreries ! » Enfin La Barbe a prévenu les Goncourt contre les « faux pas » récents et les dangers de la « paritude ».
Alleluia, le 113ème lauréat est un homme.
Vous trouverez ci-dessous le tract de La Barbe, qui désigne dix de ces « intrigantes », en résumant pour chacune leur tentative littéraire non digne de lauriers.

Drouant, mardi 3 novembre 2015

Colette était trop chaude et Sarraute, trop froide :

Le Goncourt, un mâle nécessaire ?

En 1905 Rachilde publie Le Meneur de louves, mais Rachilde a mauvais genre, elle est sulfureuse, et malgré le beau virilisme du titre, Le Meneur de louves , ça ne va pas pour le Goncourt. C’était bien tenté !

En 1910, Colette propose La Vagabonde, mais Colette est égrillarde, elle a trop de corps, c’est trop charnel, c’est trop chaud, ça ne va pas pour le Goncourt

En 1930, Irène Nemirovsky fait de l’adolescente une figure tragique avec Le Bal, mais ces chamailleries entre mère et fille, ça va pas pour le Goncourt

En 1959, Sagan cisèle Aimez-vous Brahms ?, mais ces femmes divorcées, ces amours avec écart d’âge, pas convenable, ça ne va pas pour le Goncourt

En 1961, Christiane Rochefort donne Les Petits Enfants du siècle, mais ça se passe en banlieue, ça parle de machines à laver et d’allocations familiales, est-ce que c’est un sujet pour le déjeuner chez Drouant des Goncourt ?

En 1964, Violette Leduc rencontre le succès avec La Bâtarde, mais ces femmes entre elles, ça ne va pas pour le Goncourt

En 1965, Albertine Sarrazin défraie la chronique avec L’Astragale, mais Albertine est une prostituée, ça ne va pas pour le Goncourt

En 1983 Sarraute se souvient avec Enfance, mais Sarraute n’a pas assez de corps, ce n’est pas assez charnel, c’est trop froid, ça ne va pas pour le Goncourt

En 1984 Sylvie Germain choisit la fresque avec Le Livre des Nuits, qui reçoit six prix littéraires, mais ça n’est pas encore assez bien pour le Goncourt,

En 1999 Amélie Nothomb frappe avec Stupeur et tremblements, roman du sadisme au travail, mais ce n’est pas encore assez réaliste pour le Goncourt

Les mêmes années, le Goncourt est attribué à Claude, Louis, Henri, André, Jean, Georges, Jacques, Frédérick, Jean…. Sauf un faux pas, en 1984, en faveur de Marguerite, ils sont mâles, et ça c’est nécessaire et suffisant pour le Goncourt.

(Bravo à l’Académie Goncourt qui tout au long du XXe siècle a perpétué les valeurs du XIXe siècle envers et contre tout ! Il y a danger ; les femmes proposeraient des manuscrits en masse, et solliciteraient en nombre des soutiens du Centre national du livre : des racontars ? Heureusement, les éditeurs et le jury Goncourt, repoussent ces intrigantes ! Et leurs thèmes ! impensables, microscopiques, cette obscénité de l’intime, ces mièvreries ! Pleins de mâle vertu, les éditeurs les refusent et l’Académie Goncourt les ignore.)

Un faux pas l’an dernier, dame Salvayre, quel drame ! Veillez, Messieurs, à ne pas trébucher de nouveau au son de la paritude ! Ce calvaire ! Continuez à célébrer votre littérature de mâles, guerre et pouvoir, hégémonies viriles ! La Barbe vous acclame !
La Barbe !

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